Voleurs de vélos






Que fait un homme seul, par une nuit froide, dans une ville quelconque que, selon toute probabilité, il ne connaît pas? Que cherche-t-il de si important dans ce monde endormi pour défier ce gel mordant et métropolitain?
À première vue, il ressemble à un voleur! Et peut-être l’est-il?! Le voilà, alors qu’il s’évanouit dans l’ombre, entre deux réverbères dans cette misérable et faible lumière qu’on ne touve qu’en banlieue!
Le voilà alors que d’un pas rapide et décidé il se dirige vers la décharge publique de la ville! Dans ce cimetière de ferraille, de souvenirs, de télévisions , de canapés  et de fauteuils, il semble se trouver dans le seul bon salon d’un antiquaire mystérieux, déçu et frustré, caché dans la banlieue d’une autre banlieue lointaine et délaissée, une de celles que même l’oubli a négligé.
Voici que l'homme seul est entré dans cette décharge abandonnée que même les rats ont du mal à reconnaître ... Je le suis comme mon ombre… Le silence est complet  voire  religieux à part ce halètement …
À première vue, cet homme ressemble à un voleur! Ou peut-être l’est-il devenu à l’instant?! Sur ses épaules un gros sac! Je vois distinctement de quoi il le rempli: tubes, lampes cassées, garde-boue! Et puis encore: une couronne et une chaîne, une petite selle de faux cuir, des sièges usés, une paire de fourches, des pédales et des manivelles! Et encore: des pneus, des rayons et des moyeux, des amortisseurs donnés pour morts... une dynamo, un carter et même un catadioptre orange qui ressemble vaguement à une luciole perdue dans un horizon déchiqueté par les nuages ​​dans un brouillard opaque!
À première vue, cet homme ressemble à un voleur. Un de ces voleurs qui savent tout faire à part voler!
Un cadre! Et puis, deux roues, qui en y regardant de près, pourraient avoir été abandonnées là comme on abandonne les amours, dans une nuit d'hiver, alors même qu’une lune distraite  leur tourne le dos et s’en va dans la direction opposée! Et en revanche, comme un flaash, sur ces roues… la lumière d’un miracle de rue!..
Voilà l'homme, enveloppé dans un destin envoûtant alors qu’il fuit en pédalant vers une légendaire éternité, comme si la nuit était juste une pause dans le temps, une parenthèse de vie, un instant fugace percé d’ombres artificielles… et tandis que l'aube attend son habituelle et inévitable revanche, une sculpture sur deux roues disparaît dans la nuit, chevauchée par un grand artiste!

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"Silhouettes" de Roberto Sironi - acrylique su carton léger 









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